Wednesday, October 18, 2017

Balance ton porc : deux expériences vécues par ma maman dans sa jeunesse



Aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus nombreuses à dénoncer le harcèlement et les abus sexuels dont elles ont été victimes. Dans mon précédent article (Balance ton porc : Moi aussi je dénonce), j'ai parlé du patron qui avait eu un geste déplacé sur moi... Je n'en avais pas parlé à ma maman, et pourtant, elle m'aurait sans doute comprise, vu qu'elle avait aussi, dans sa jeunesse, eu à pâtir du comportement des hommes. Pour les futures générations, elle a rédigé alors qu'elle était déjà grand-mère ses mémoires dans des cahiers (à paraître dans quelques mois). De ses mémoires, voici deux extraits pour "balancer" aussi deux gars qui étaient déjà des hommes mûrs pendant la Seconde Guerre Mondiale :

(...) Ma mère, la quarantaine, commençait à se sentir vieillir (!) La montagne lui devint trop pénible. Ma sœur avait eu vingt-et-un ans, six jours avant l’arrivée des troupes allemandes. Est-ce elle qui me promenait ou moi qui la chaperonnais ? Nous fîmes à deux les excursions en montagne que nous faisions auparavant avec les parents. Lors d’une de ces sorties, fin de l’été quarante, nous fîmes, tout au sommet du Grand-Ballon, la connaissance d’un militaire en gris-bleu, costume de l’aviation et de la défense aérienne. Il parlait l’allemand avec un drôle d’accent. Il avait le profil des gens de la montagne, le nez crochu taillé dans le roc. Félix G. était Tyrolien. Je dois faire ici un petit cours d’histoire-géographie. Le Tyrol se situe en Autriche. L’Autriche fut annexée au Grossdeutsches Reich avant l’Alsace et ses hommes rejoignirent, avant les nôtres, les rangs de l’armée allemande, malgré eux, comme les nôtres que l’on nomme maintenant les Malgré-Nous. Félix nous en parla. Dans son beau pays, Wald am Arlberg, il était connu comme hostile à l’occupant. Ma sœur lui plut. Il plut à ma sœur (!) Il était plus âgé et divorcé. L’idylle dura quelque temps. Il descendait de temps en temps du Grand Ballon et nous rendait visite à Guebwiller. Je chaperonnais bravement et très discrètement leurs sorties. J’avais la bonne habitude de mettre toujours quelque distance entre les amoureux et moi. C’était parfaitement illogique de ma part après les x fois qu’elle m’avait joué des tours en mouchardant à ma mère mes menues sottises. Mais on naît ainsi, trop bon, trop…! Félix était considéré comme un éventuel futur beau-frère, ni le premier, ni le dernier ! Pourquoi donc, ai-je, un jour, dû l’accompagner jusqu’au chemin du Ballon ? Il connaissait pourtant parfaitement le trajet. J’avais treize ans et l’air godiche avec mon manteau feuille-morte trop petit, mes mi-bas feutrés et rétrécis et mon chaperon rouge tricoté, dont dépassaient mes éternelles nattes de gamine. Félix, le candidat beau-frère, sous-bois, seul avec le petit Chaperon Rouge, se sentit devenir Loup. L’homme mûr voulait tenter l’enfant. Félix voulait m’embrasser. J’ai refusé et laissé à ma sœur toutes ses illusions quant à l’amour et à la fidélité de l’élu de son cœur du moment. 

(...)

Je n’avais pas tout à fait quinze ans, quand j’ai commencé à travailler. Cependant je n’étais pas trop jeune pour ne pas risquer les assiduités d’un patron vicieux. Il avait une bonne cinquantaine et la bedaine qui y correspondait. En travers de son crâne chauve, il dorlotait une longue et fine mèche ondulée et gominée. Je réussissais – c’était un passe-temps comme un autre, sa caricature et sa signature. Frey et Hitler aussi étaient les modèles de mes caricatures. Monsieur H. me demandait souvent de venir chercher du courrier dans son bureau où il était toujours seul. (...) C’était une hantise ! Toujours et toujours il cherchait à me peloter. J’avais peur de lui et il me dégoûtait. Il m’est arrivé de lui taper sur ses pattes vicieuses. Aurais-je pu en parler à ma mère ? Elle ne m’aurait pas même crue. Cela n’aurait rien changé. J’aurais juste eu droit à une engueulade de plus.

(extrait des mémoires de Silvie Garayt-Klein - à paraître) 






voir aussi, sur ce blog, 
un poème que j'ai écrit en automne 2006 sur le même thème :





Balance ton porc : Moi aussi je dénonce



J'avais seize ans (automne 1972) lorsque mon patron a tenté de me peloter, et j'ai tapé sa main qui s'était aventurée sur ma poitrine de jeune fille... 
Il n'en a plus jamais été question, car après cela il est resté correct pendant les deux ans où j'ai été son employée. 
J'avais heureusement réussi à lui remettre immédiatement les idées en place, et personne (pas même ma mère) n'a rien su de ce moment. 
Mais c'est resté dans ma mémoire, même si j'ai pardonné et compris qu'il avait juste été tenté par la chair fraîche, téléguidé par des siècles de traditions de machisme et de droits de cuissage...





voir aussi, sur ce blog, 
un poème que j'ai écrit en automne 2006 sur le même thème :